dimanche 25 août 2013

Le pape, le théologien et les trois lièvres

Paderborn est une charmante ville universitaire située en Westphalie, c'est à dire dans le centre nord-ouest de l'Allemagne. Peu de français connaissent sans doute cette ville, alors qu'elle mérite une visite, d'une part pour sa cathédrale St-Liboire et d'autre part pour son imposant hôtel de ville, construit dans le style de la Renaissance de la Weser. 


Hôtel de ville construit à la fin du XVIème et au début du XVIIème,
dans le style particulier de la Renaissance de la Weser.





La cathédrale St-Liboire construite en style roman puis en en style gothique.

Mais enfin, la cathédrale de Paderborn n'est pas une œuvre exceptionnelle. Elle ne peut rivaliser ni avec la cathédrale de Bamberg ni avec la cathédrale de Naumburg (Je ne parle pas de celle de Cologne que je trouve particulièrement moche et indigeste !). C'est dans le cloître que se trouve tout l'intérêt de la visite. En effet, une des fenêtres est décorée de trois lièvres réunis par les oreilles.



L'étrange fenêtre du cloître de la cathédrale de Paderborn semble
dater du XVIème siècle.

Cette étrange ronde de lièvres se rapporte, à mon avis, à la symbolique médiévale de ces animaux, qui, comme le lapin, présente une grande prolificité. De ce fait, ces animaux étaient le symbole d'une sexualité débridée, pas très en cours dans l'église du Moyen-Age, comme tout ce qui se rapportait au sexe.
Il est donc réjouissant de constater que 5 siècles plus tard pas grand chose n'a changé dans l'église, désormais catholique, toujours aussi coincée aux entournures lorsqu'on parle de sexe. Et justement, à Paderborn, un théologien et prêtre nommé Eugen Drewermann a mis les pieds dans le plat dans les années 1980-1990, en interprétant la Bible, notamment le dogme de la virginité de Marie, au travers du filtre de la psychanalyse. Au Moyen-Age, on aurait brûlé pour moins que ça! Heureusement que ces temps sont révolus (enfin au moins en Europe).


Le théologien et psychanalyste Eugen Drewermann dont la lecture de
la Bible est pour le moins décapante.










samedi 24 août 2013

A la recherche d'une impossible unité

Dans un pays unifié peu ou prou depuis le XVème siècle tel que la France, la question de l'unité du territoire ne présente que peu d'intérêt même si la question des langues régionales s'impose de plus en plus.
Il faut attendre 1871 pour que l'Allemagne, sous l'impulsion de Bismarck et sous la direction de Guillaume 1er acquiert réellement une unité politique et donc le statut de grande puissance,  même si dans les faits, la Prusse l'était depuis le XVIIIème siècle.


Le chancelier Otto von Bismarck à la fin de sa vie.


L'empereur d'Allemagne Guillaume 1er.

Jusqu'à la victoire de 1871, l'Allemagne est un tissu de petits et de grands états. Parmi ceux-ci, on compte donc la Prusse, le plus puissant, situé au nord. Le second en importance est la Bavière qui, à l'époque de la Guerre de 70 est dirigée par le fantasque Louis II dont la principale qualité n'est pas sa conscience politique. Quant à la Saxe, dirigée par Johann 1er, après avoir soutenu l'Autriche lors de la bataille de Sadowa contre la Prusse, elle est aussi intégrée dans l'empire allemand.
L'idée de l'existence d'une nation allemande, est développée par Johann Gottlieb Fichte dans ses "Discours à la nation allemande" (1807-1808) en réponse à l'occupation par les troupes napoléoniennes et la disparition de fait du Saint-Empire Romain-Germanique, qui vivotait depuis le Guerre de 30 ans (1618-1648).


Fichte, penseur de la nation comme une communauté
d'individus unis par une même culture, donc par une langue.

C'est donc à marche forcée que Bismarck unira l'Allemagne. Bismarck a une image très négative en France, alors que ce fut un homme d'état remarquable qui donnera à l'Allemagne une législation sociale très en avance à celle de la France à la même époque.
On a trop souvent rapproché nationalisme allemand et impérialisme, mais il faut bien reconnaître que, malheureusement pour l'Allemagne, les principaux protagonistes des deux Guerres Mondiales, le Kaiser Guillaume II et Adolf Hitler n'ont pas fait dans la dentelle. 
Alors que l'unité du pays n'existe que depuis 48 ans, le Traité de Versailles, en 1919, commence à enlever des territoires à l'Allemagne, le plus célèbre étant le couloir de Danzig.
En simplifiant à l'extrême, on peut dire que l'ascension d'Hitler est le fruit d'une interprétation dévoyée du concept de nation développé par Fichte ajoutée à une détermination à reconquérir les territoires perdus, détermination qui avait manqué aux démocrates de la République de Weimar selon les nazis. De là, l'affaire des Sudètes, l'anschluss avec l'Autriche et l'invasion de la Pologne.
Il faut reconnaître, à la décharge des négociateurs de Versailles, que la situation est inextricable dans la partie est de l'Allemagne puisque la Silésie est allemande depuis le XVIIIème siècle mais en partie polonophone alors que la Lusace, région de Görlitz, appartenant à la Saxe et à la Prusse, est peuplée de Sorabes, utilisant une langue slave.
Rappelons aussi que de nombreux allemands vivent à Prague en ignorant totalement le tchèque, même après que la République tchécoslovaque ait été formée grâce, notamment, à Tomas Mazaryk.


Franz Kafka (1883-1924). Ecrivain juif, parlant et écrivant
en allemand et vivant à Prague. Un exemple montrant la
complexité pour déterminer une nation allemande.

L'achèvement de la Seconde Guerre mondiale met fin au rêve d'unité. La Silésie est rattachée à la Pologne (la fameuse ligne Oder-Neisse) et la Prusse orientale est absorbée par l'URSS alors qu'elle est allemande depuis le Moyen-Age. Rappelons que c'est à Königsberg (Kaliningrad) que Kant vécut toute son existence.


Emmanuel Kant (1724-1804), le plus grand philosophe allemand
de l'Aufklärung, passa toute son existence à Königsberg devenue soviétique
en 1945 et restée dans le giron russe après la proclamation de la
république de Russie en 1991.

C'est enfin la proclamation de la République démocratique d'Allemagne (DDR ou RDA en français) le 7 octobre 1949, qui instaure définitivement une partition de l'Allemagne non pas à ses marges, mais en son centre. L'édification du mur de Berlin en 1961, gèle cette désunion de l'Allemagne.


Le mur de Berlin, symbole de la partition de l'Allemagne

Ce sont les difficultés économiques de la RDA et l'absence de soutien de Gorbatchev, lui-même empêtré dans une crise gravissime en URSS, qui ont abouti à la chute du mur le 9 novembre 1989. Rappelons que le remplaçant de Honecker, Egon Krenz, fidèle lieutenant de celui qu'il a viré, n'avait rien d'un génie politique et a surtout brillé par son manque de décisions.


Egon Krenz, dernier dirigeant de la RDA et élevé dans le sérail a surtout
brillé par sa médiocrité au moment où de graves décisions devaient
être prises.

Le 9 novembre 1989, c'est Günter Schabowski, tout juste nommé porte-parole du gouvernement, qui, lors d'une conférence de presse, annonce l'ouverture immédiate des frontières. Ni Krenz, ni la Stasi (police politique) ni l'armée ne sont au courant. Schabowski a improvisé à partir d'une note gouvernementale totalement obscure.


Günter Schabowski a annoncé l'ouverture des frontières de RDA
dans une totale improvisation.

Il faut avoir vu, durant les mois qui suivirent, la cohorte des Trabans et des Wartburgs sur les route de RFA, se traînant et fumant au milieu des Mercedes. La majorité des est-allemands avaient sauvagement barrés le D pour démocratique dans le signe DDR, le remplaçant par le B pour fédérale de BDR.


La Traban, voiture symbole de la médiocrité des productions de la DDR
à destination de ses citoyens.


Une Wartburg, auto fabriquée à Eisenach en Thuringe qui est aussi la
patrie de Jean-Sébastien Bach. Version luxe de la voiture est- allemande,
elle est tout aussi nulle que la Traban. 

Après la chute du mur, la RDA va encore agoniser près d'un an avant que la réunification ne soit définitive le 3 octobre 1990. Se balader à Berlin durant cette époque donnait une curieuse impression de fin du monde ou plutôt de fin d'un monde. Les soldats russes vendaient leurs uniformes et leurs médailles sur Unter den Linden et des camelots vous proposaient des morceaux de mur authentiques ou faux.


Pourquoi "Reflets d'Allemagne" ?

Lorsque j'étais lycéen, j'ai fait un peu d'allemand. On ne peut pas dire que la langue de Schiller m'ait particulièrement branchée à l'époque. Il faut dire que notre prof d'allemand était totalement nul (et encore je suis sympa) et que nous utilisions un bouquin que les vieux de mon âge connaissent peut-être encore, le Bodevin et Isler, triste bouquin à la couverture verdâtre et dont les textes puisaient dans la grande littérature germaniques — Schiller déjà cité, Gœthe, Heine, Eichendorff, voire dans les légendes germaniques imprimées en gothique — mais n'expliquaient pas comment prendre de Strassenbahn (le tramway) ou commander une Currywurst (saucisse au curry pour les non germanistes).
Curieusement, c'est en subissant le service national (que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître… et même les moins de 40) que j'ai mis pour la première fois les pieds, ou plutôt les Rangers dans ce pays. Pour être précis à Donaueschingen, petite cité qui s'enorgueillit de posséder les sources officielles du Danube et un festival de Musique contemporaine créée sous l'impulsion du Prince Max Egon II Fürst zu Fürstenberg dans les années 20 du siècle dernier, avant de devenir un fidèle soutien d'Hitler. 


Les sources du Danube à Donaueschingen

Lors de nos marches et de nos footing à travers la forêt, je me suis rendu rapidement compte de la beauté de la Forêt Noire. Quelques permissions m'ont permis de visiter Freiburg im Brisgau et sa magnifique cathédrale ainsi que Konstanz au bord du lac que les français s'obstinent à appeler Lac de Constance alors qu'il s'appelle le Bodensee.
Plus tard, j'ai eu la chance de rencontrer des amis qui habitaient l'Allemagne (bien avant la chute du mur), puis plus tard d'autres qui habitaient en Saxe et c'est ainsi que j'ai découvert ce pays, qui est bien loin des clichés qu'on lui attribue et que j'aime profondément.
Autant dire que je considère François Mauriac comme un sombre crétin d'avoir écrit : " J'aime tellement l'Allemagne que je préfère qu'il y en ait deux". Sans doute Saint François des Assises, comme le surnommait le Canard Enchaîné pendant l'épuration, n'aurait-il pas écrit cette ânerie s'il avait connu les conditions de vie des allemands de l'est à l'époque de Walter Ulbricht ou d'Erich Honecker.



Walter Ulbricht, dirigeant de la RDA de 1949 à 1971,
éliminé de la direction par son successeur Erich Honecker.


Erich Honecker dirige la RDA de 1971 à 1989. Il est éliminé
de la direction par Egon Krenz qui ne pourra rien pour éviter
la chute du mur et la disparition de la RDA.

Le titre du blog, "Reflets d'Allemagne" est celui de plusieurs recueils pour pianos du grand compositeur français Florent Schmitt (1870-1958), bien oublié aujourd'hui. J'ai trouvé qu'il correspondait bien à ce que je voulais faire.